Viens je t’emmène

Séance du
  • Réalisation: Alain Guiraudie
  • FR/BE, 2022
  • 100 minutes
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Viens je t’emmène

À Clermont-Ferrand, Médéric tombe amoureux d’Isadora, une prostituée de cinquante ans qui est pourtant mariée. Alors que le centre-ville est le théâtre d’une attaque terroriste, Sélim, un jeune sans-abri, se réfugie dans l’immeuble de Médéric provoquant une paranoïa collective. Tout se complique dans la vie de Médéric, tiraillé entre son empathie pour Sélim et son désir de vivre une liaison avec Isadora.

Générique

Réalisation
Alain Guiraudie
Scénario
Alain Guiraudie
Production
Charles Gillibert
Photographie
Hélène Louvart
Montage
Jean-Christophe Hym
Musique
Xavier Boussiron
Interprétation
Jean-Charles Clichet (Médéric), Noémie Lvovsky (Isadora), Iliès Kadri (Sélim), Michel Masiero (M. Coq), Doria Tillier (Florence), Renaud Rutten (Gérard)
Origine, année
FR/BE, 2022
Durée
100 minutes
Distribution
Les Films du losange, Paris

Citation

[Son] film le plus dingue, rejeté par toutes les autorités festivalières parce que sans doute il ne nous parle que trop bien du monde qui est le nôtre, tel qu’il moisit dans les idées reçues, tel qu’il se retranche en groupes étanches, tel qu’il déraille en nous entraînant, inexorablement, dans sa chute.

Jacques Mandelbaum
Le Monde, 2.3.2022

Commentaires

Sur ce chemin assez guilleret, et néanmoins lourd de toutes les angoisses qui rendent désormais ce pays à peu près irrespirable, on croise une sarabande de personnages et de situations mises au service d’une sorte de vaudeville brechtien. Un jeune d’origine maghrébine, visiblement en cavale, qui force l’entrée de l’immeuble de Médéric et abuse de son accueil. Un voisin raciste qui insiste pour qu’on l’expulse. Une fille superbe qui ne cesse de faire des avances à Médéric. Un vieux portier d’hôtel borgne, flanqué d’une jeune adolescente noire qui fait « son stage de troisième ». Le mari et mac d’Isadora – sorte de fasciste pavillonnaire, protégé pour une raison qu’on ignore par un barbouze officiel – qui surveille jalousement sa femme. Un bataillon du GIGN. Des dealeurs de drogue descendus de la cité. Dans ce gros chantier, on apprendra, pour l’essentiel, à se méfier des apparences, puisqu’aucun des personnages ci-avant décrits ne correspond à l’image qu’on s’en fait, et qu’aucune situation ne répond davantage aux causes ostensibles qui prétendent la déterminer.

À telle enseigne qu’on imagine volontiers Alain Guiraudie, dans la phase préparatoire du film, plaisamment manigancer de faire mentir tous les sociotypes qui peuplent son film, non pas tant pour leur faire gagner leur liberté de personnages (le procédé est trop radical pour cela) mais pour le pur plaisir de tirer le tapis sous les pieds des préjugés qui faussent le monde et nous pourrissent la vie. Ce travail de sape prend toutefois le risque de nous laisser devant à peu près rien de tangible, la passion de détruire étant ici plus efficiente et jubilatoire que la volonté de reconstruire.

Mais qu’y a-t-il donc sous les clichés ? De quelle présence vraie se charge la scène qu’on a débarrassée de leur encombrement ? C’est exactement la question devant laquelle se tient le film, et à laquelle il ne répond autrement qu’en organisant la folle sarabande de sa dérision des idées reçues. Du moins, la comédie humaine qui s’y joue renoue-t-elle, joyeusement et douloureusement, avec l’épreuve de l’altérité, le goût de l’impromptu, la rude promesse de l’échange. Ce que vivre ensemble devrait en somme vouloir dire.

Jacques Mandelbaum
Le Monde, 2.3.2022

"Viens je t’emmène" n’est jamais là pour trancher au milieu de cette tourbe d’affects, comme l’aurait fait une médiocre fiction de gauche donneuse de leçons. Non, le film déplie chaque peur pour lui trouver une issue cathartique, la porte à incandescence jusqu’à ce qu’elle se retourne en son contraire : la peur mène ainsi au désir et Sélim devient ce corps qui n’a rien demandé, mais qui se retrouve l’objet de tous les fantasmes, et bientôt ce miroir tendu à tous les habitants de l’immeuble.

Alors, on retombe sur la grande question guiraudienne, que posait aussi son dernier roman, "Rabalaïre" : que peut-on faire ensemble ? Qu’est-ce qui peut relier deux personnes, et puis trois, quatre ? Le film hésite à répondre, préférant tournoyer autour de personnages totalement paumés, à qui on a inculqué un individualisme qui, ils le sentent, commence à devenir trop étriqué mais qui est la seule manière de vivre que l’on connaisse. Ils bricolent un rêve, mais ne savent pas encore lequel. Alors, le cinéma servirait à cela, à imaginer cette merveilleuse catastrophe : cette première nuit post-individualisme, foutraque et improvisée, où l’on aurait soudain besoin et envie des autres.

Murielle Joudet
Les Inrockuptibles, 1.3.2022

Filmographie

2003
Pas de repos pour les braves
2005
Voici venu le temps
2009
Le Roi de l’évasion
2013
L’Inconnu du lac
2016
Rester vertical
2022
Viens je t’emmène

Think Something Nice

En avant-projection
  • Réalisation: Claudius Gentinetta
  • CH 2022
  • 6 minutes
au film principal

Think Something Nice

Nous connaissons notre propre mortalité et pourtant nous nous comportons comme si nous vivions éternellement. À la merci de la chaise du dentiste, le protagoniste se réfugie dans une histoire fantasmée de pêcheurs et de mer.